Lesotho: le Premier ministre dénonce un coup d'Etat et s'enfuit en Afrique du Sud
LESOTHO, Maseru: les troupes du Lesotho quitte le bureau central de la police à Maseru après la prise de contrôle de plusieurs postes de police et de brouillage des stations de radio dans la capitale le 30 Août 2014. Les militaires du Lesotho ont nié qu'il avait pris le pouvoir. (AFP PHOTO / STRINGER)
(AFP) - Le Premier ministre du Lesotho a déclaré samedi avoir fui son pays pour échapper à un coup d'Etat de l'armée, qui a mené une opération spectaculaire dans la capitale de ce petit royaume montagneux enclavé dans l'Afrique du Sud.
Le géant sud-africain a lui aussi affirmé que le déploiement militaire chez son voisin "portait la marque" d'un putsch, malgré les fermes démentis de l'armée. Mais samedi soir il restait difficile de déterminer qui détient la réalité du pouvoir au Lesotho.
La capitale avait été réveillée tôt samedi matin par des échanges de coups de feu. Dans Maseru, l'armée a investi pendant plusieurs heures des points stratégiques et confisqué armes et véhicules dans plusieurs postes de police, avant de regagner ses quartiers à la mi-journée.
"J'ai été évincé non par le peuple mais par les forces armées et c'est illégal", a lancé le Premier ministre Thomas Thabane sur la BBC.
Il a indiqué avoir trouvé refuge en Afrique du Sud samedi matin: "je ne repartirai que lorsque ma vie ne sera plus en danger".
Mais les forces armées ont nié tout coup d'Etat, assurant simplement avoir dû intervenir contre la police.
"L'armée s'est lancée dans une opération pour désarmer la police qui, selon des renseignements collectés par ses services, s'apprêtait à armer certains partis politiques au Lesotho" pour une manifestation prévue lundi, a déclaré le major Ntele Ntoi sur la chaîne de télévision sud-africaine ANN7.
"Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais un coup d'Etat au Lesotho perpétré par l'armée", a martelé ce porte-parole.
Des policiers ont raconté à l'AFP que des dizaines de soldats lourdement armés étaient arrivés à bord de véhicules blindés. Plusieurs personnes, un soldat et des policiers, ont été grièvement blessées dans des échanges de tirs.
"Ils ne nous ont pas dit ce qu'ils voulaient, ils nous ont juste encerclés et ont pris les armes", a dit un policier, sous couvert d'anonymat.
Selon des sources au sein des services de renseignements, l'opération aurait été dirigée par le général Tlali Kamoli, le patron des forces armées.
- Pretoria refuse un 'changement inconstitutionnel' -
A Pretoria, le porte-parole du ministère sud-africain des Affaires étrangères, Clayson Monyela, a délivré un message très ferme: "Bien que personne n'ait affirmé avoir pris le pouvoir par la force, selon toute évidence, (l'opération) des Forces armées du Lesotho porte la marque d'un coup d'Etat".
"Un tel changement inconstitutionnel du gouvernement ne saurait être toléré", a-t-il averti.
Formé en grande partie de hauts plateaux, le Lesotho est un pays très pauvre de deux millions d'habitants, membre du Commonwealth, qui fournit à l'Afrique du Sud de l'eau et de l'électricité produite dans ses montagnes.
Le royaume du Lesotho est gouverné par une coalition depuis deux ans mais l'alliance au pouvoir s'était montrée fragile.
"Depuis les dernières élections, la coalition avait du mal à travailler et le Premier ministre était critiqué pour son autoritarisme", a commenté une source diplomatique occidentale.
En juin, le Premier ministre, soucieux d'éviter une motion de censure, avait suspendu le Parlement, avec l'aval du roi Lesie III, un monarque constitutionnel qui dispose de très peu de pouvoir.
Depuis lors, les tensions n'ont cessé de monter, au sein de la coalition mais aussi dans les rangs de l'armée et entre l'armée et la police.
En fin de journée, un calme précaire régnait dans la capitale, habituellement paisible, aux quelque 250.000 habitants. Les rues étaient désertées.
La violence est récurrente dans l'histoire politique récente du pays, ancienne colonie britannique indépendante depuis 1966.
En 1986, le régime ségrégationniste sud-africain y avait soutenu un coup d'Etat pour éviter que le pays ne devienne une base des militants anti-apartheid, notamment de l'ANC, le parti de Nelson Mandela considéré comme terroriste.
En 1997, l'armée avait donné l'assaut au quartier général de la police à Maseru pour mater une mutinerie.
L'année suivante, après de violentes émeutes liées aux élections, l'Afrique du Sud et le Bostwana avaient lancé une opération armée qui avait dévasté en partie Maseru.
L'Afrique du Sud a semblé samedi n'exclure aucun scénario.
"Laissons une chance à la diplomatie", a lancé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, soulignant qu'une intervention armée est une solution de "dernier ressort".
Les Etats-Unis ont de leur côté appelé à un "dialogue pacifique". "Les Etats-Unis sont très inquiets (...) et appellent les responsables gouvernementaux et toutes les parties en présence à un dialogue politique pacifique", a déclaré la porte-parole du département d'Etat Jen Psaki dans un communiqué.
Deux responsables religieux qui avaient participé à l'équipe de médiation lors de la crise de juin ont indiqué qu'ils se rendaient d'urgence dans la capitale.
"Priez pour notre pays, nous ne savons pas ce qui se passe", a déclaré à l'AFP Simeon Masemene, responsable de l'Eglise évangélique du Lesotho.
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