Vieux de 100.000 ans ? Des fossiles de crocodiles trouvés sur l’atoll d'Aldabra aux Seychelles
Les fossiles de crocodiles bien cachés dans un petit étang d'eau saumâtre, généralement plein de tortues d’Aldabra. (Dr. Dennis Hansen)
(Seychelles News Agency) - Un écologiste travaillant sur l’atoll corallien le plus reculé des Seychelles est tombé sur une très vieille paire de crocs, un peu plus tôt cette année, une découverte qui pourrait être la clé pour débloquer le mystère de l’évolution.
Ce que le Dr Dennis Hansen a découvert par hasard au début de l’année n’est pas une paire de chaussures en plastique, qu’on peut malheureusement trouver parfois échoués sur les rives de l'atoll, mais des fossiles de deux ou plusieurs crocodiles.
Selon Hansen, un écologiste de l'Institut de biologie de l'évolution et des études environnementales de l'Université de Zurich, les premières estimations évaluent l'âge des crocos à la période connue sous le nom de Pléistocène et remonteraient à environ 120 000 ans. Un examen plus approfondi réalisé par des experts de l'Université de Zurich devrait le confirmer.
Une découverte étonnante
Durant l’époque contemporaine, aucun redoutable crocodile ne s’est promené sur cet atoll géant, classé patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1982 et qui se situe à environ 1100 kilomètres de l'île principale des Seychelles, Mahé.
Les tortues géantes d'Aldabra et les énormes crabes de cocotiers sont maintenant les êtres les plus dangereux qui errent parfois sur cet atoll corallien escarpé, à la surface d'un autre monde.
Le Dr Hansen, qui est également expert en tortue géante a raconté comment il se dirigeait en revenant d’un travail à l’intérieur des terres vers ce qui est appelé le « territoire tortue», quand il a fait la découverte. Les fossiles de crocodiles étaient bien cachés dans un petit étang d'eau saumâtre, généralement rempli de tortues brûlées par le soleil s’y rafraîchissant.
« L'étang était plus qu’à moitié asséchée, c’était seulement le début de la saison humide, donc des morceaux de coraux que personne n’avait jamais vu sont apparus,» a déclaré le Dr Hansen à la SNA. « Et ils étaient remplis de trésors ! Des fossiles, des fossiles partout! "
Les fossiles trouvés par Dr Hansen et ses collègues, y compris les os de crocodile, une vertèbre de crocodile, et un second, plus petit fragment de la mâchoire d’un crocodile les restes semblent indiquer au moins deux crocodiles (Dr. Dennis Hansen): Tous droits réservés |
C’était cependant frustrant, car les fossiles étaient fermement incrustés dans la pierre, et Hansen ne pouvait pas retirer l'un d'eux sans courir le risque de les détruire, il a donc pris quelques photos et a marqué le lieu sur son GPS. Mais alors qu’il s’apprêtait à rentrer à la cabane, il a franchi un point légèrement plus sec de l'étang, une petite zone couverte de boue séchée et de terre meuble.
« J’ai aperçu ce que je pensais être un grand fossile d'os de tortue qui se trouvait à la surface. En le ramassant, il avait l'air un peu plus érodé que ceux que nous voyons habituellement incrustés dans la pierre », a-t-il dit. « J'ai tourné autour, et j’ai été saisi quand j'ai repéré la rangée de grandes cavités circulaires qui étaient de l'autre côté, j’ai réalisé qu’il ne s’agissait pas d’un os de tortue, mais d’une bonne partie de la mâchoire inférieure d'un crocodile ! »
Aucun témoin à proximité, à part peut-être un couple de tortues essayant d'avoir une soirée paisible en batifolant dans l'étang qui ont assisté à beaucoup de sautillements et de cris de jubilation se souvient le Dr Hansen.
En revenant à l'étang le lendemain avec d'autres membres de l’expédition de la plate-forme de recherche Zurich-Aldabra (ZARP), les chercheurs ont passé au crible les autres restes de fossiles et ont trouvé davantage d'os de crocodile, notamment une vertèbre de crocodile, et un second fragment de mâchoire de crocodile plus petit, indiquant les restes d'au moins deux crocodiles.
Une question de taxonomie
Le Dr Hansen essaye à présent d'obtenir les fonds universitaires pour expédier les restes à l'Université de Zurich où ils pourront être nettoyés et examinés par les paléontologistes. On espère que les chercheurs pourront confirmer l'âge des fossiles et les espèces précises de crocodile.
Une fois les recherches nécessaires achevées, les fossiles pourront être rendus et exposés au centre d’accueil des visiteurs, d’Aldabra House, qui va être bientôt construit de la Seychelles Islands Foundation et au Musée d’Histoire naturelle des Seychelles.
Le Dr Dennis Hansen regardant de plus pret les ossiles retrouvés à Aldabra (Dr. Dennis Hansen) Licence photo: Tous droits réservés |
Bien que d'énormes crocodiles marins grouillaient à priori dans les îles granitiques intérieures des Seychelles au moment où elles ont été explorées et colonisées dans les années 1700, ils ont été rapidement chassés et relégués aux livres d'histoire, et rien ne reste de leur existence en dehors de quelques ossements au musée d'histoire naturelle et de quelques noms géographiques dans les îles intérieures.
Sur Aldabra, cependant, aucune présence de crocodiles n'a jamais été signalée, et la seule recherche antérieure sur l’ancienne population de crocodile d’Aldabra a été basée sur des fragments de très petits fossiles.
La recherche de 2006 par Christopher Brochu menée sur les crocodiles, que l’on a appelé Aldabrachampsus, étaient très petits, voire minuscules, et à cornes. Brochu a affirmé qu’ils n’étaient pas endémiques aux îles, en expliquant qu'il était plus probable qu'ils soient arrivés du nord de Madagascar, où une espèce similaire, maintenant disparue, vivait autrefois.
Etant donné que le fragment de mâchoire découvert par Hansen mesure 12 centimètres de long, alors que l’échantillon étudié par Brochu mesurait 6 centimètres, Hansen a demandé si l’Aldabrachampsus était bien en fait une espèce naine, un élément que les paléontologistes à Zurich pourront déterminer lorsqu’ils récupèreront les nouveaux échantillons.
Quant à l'avenir, le Dr Hansen qui n’est maintenant plus étranger au fait qu’Aldabra regorge sans cesse de surprises et de trésors est convaincu qu’Aldabra renferme encore bien des mystères qui restent à découvrir.
L’homme qui murmurait à l’oreille des tortues : le Dr Dennis Hansen se rapproche d’une tortue juvénile géante sur l'atoll d'Aldabra aux Seychelles (Wilfredo Falcon) Licence photo: Tous droits réservés |
« Nous n’avons à proprement dit que gratté la surface de l'histoire de l'atoll. Ce qui serait le plus important c’est d'obtenir une plus large couverture de l’atoll, à la fois dans l'espace, par exemple, d’est en ouest, et dans le temps, en observant des roches d'âges différents, » a-t-il dit à la SNA.
« Il y a tellement plus de sites de fossiles que ceux qui ont été décrits jusqu'à présent. En obtenant des données plus quantitatives, nous pouvons en apprendre davantage sur la façon dont la faune d’Aldabra a réagi aux variations du niveau de la mer dans le passé, et peut-être l'utiliser pour aider à gérer l'écosystème d’Aldabra dans le combat actuel du changement climatique à l’échelle mondiale. »