Le parlement des Seychelles adopte un projet de loi pour dépénaliser la sodomie
Photo : vue partielle des députés de l'actuelle Assemblée nationale des Seychelles. (Patrick Joubert, Seychelles News Agency)
(Seychelles News Agency) - L’Assemblée nationale des Seychelles a adopté un amendement au code pénal qui décriminalise l'acte de sodomie.
Sur les 28 membres présents au moment du vote, 14 ont voté pour tandis que l'autre moitié s’est abstenue. Quatre députés n’étaient pas présents lors du vote.
Le Président James Michel avait initialement proposé cet amendement lors de son discours sur l’état de la Nation. Les dirigeants religieux de l'île étaient contre cette proposition, mais avaient déclaré que l'amour de Dieu s’applique à tous. Le leader de la communauté gay et lesbienne a déclaré qu'elle avait apprécié le fait qu'aucun membre du parlement n’ait voté contre.
Un représentant du Parti Lepep, le parti au pouvoir, qui détient 31 sièges au Parlement, a déclaré que les politiciens doivent lutter pour l'égalité, y compris celle de la préférence sexuelle.
« Bien que nous reconnaissions la diversité des races, d’opinions politiques et de religions, d'un autre côté en tant que pays, nous traitons différemment l'orientation sexuelle et la diversité, » a déclaré Chantal Ghislain, qui représente les îles intérieures de la nation.
Le nouveau leader de l'opposition à l'Assemblée, qui a assisté à sa première séance mardi, a également voté pour.
Francesca Monnaie du Mouvement démocratique populaire a déclaré mercredi à la SNA que son vote représente la position de son parti et qu’il est basé sur les droits de l'homme.
« Notre Constitution énonce clairement que tous les individus sont égaux et c’est ce que prône notre parti. Je ne vois donc pas pourquoi nous devrions discriminer un groupe spécifique de personnes en fonction de leur orientation sexuelle,» a déclaré Monnaie.
« Je précise aussi que, dans une société démocratique comme la nôtre, cela devrait être automatique. Les gens devraient savoir que cela n'a rien à voir avec la morale, la religion ou la culture, » a-t-elle ajouté.
Les membres du Parti Lepep qui suivent habituellement la ligne du parti lorsqu’il s’agit de voter ont été invités à voter en leur âme et conscience.
Charles De Commarmond, député à l'Assemblée nationale pour le district de Cascade, a déclaré à la SNA : « nous avons voté librement comme toujours, il y avait des personnes qui étaient absentes, qui aurait pu voter contre et si le projet de loi avait été rejeté, nous n’aurions pas été en mesure de faire quoique ce soit. »
De Commarmond a été l’un des 14 députés qui se sont abstenus.
« Je me suis abstenu parce que j’ai le sentiment que les médias et le procureur général n'ont pas fourni suffisamment d'explications sur ce que le nouvel amendement comporte, » a-t-il dit, ajoutant qu'il aurait aimé que tous les acteurs y compris la société civile et les Eglises participent aussi au débat et expriment leurs points de vue.
Le projet de loi présenté à l'Assemblée nationale mardi cherchait à modifier l'article 151 du code pénal afin de décriminaliser les délits contre nature visés au paragraphe (a) et (c).
Cela concerne toute personne qui « a un rapport sexuel contre nature avec une autre personne» et toute personne qui « permet à un homme d'avoir des rapports sexuels contre nature avec lui ou elle. »
Avant l'amendement toute personne reconnue coupable de ce qui précède aurait pu être condamnée à 14 ans d'emprisonnement.
C’est lors de son discours sur l’état de la Nation en février que le Président des Seychelles James Michel avait annoncé l'intention de son gouvernement d'abroger la loi de 1955 qui criminalise la sodomie. Cette loi avait été introduite par les Britanniques à l’époque coloniale.
Le Président Michel a expliqué que cette proposition avait pour but de respecter les obligations nationales, internationales et constitutionnelles.
En 2011, les Seychelles avaient accepté de mettre en œuvre la recommandation de l'examen périodique universel (EPU) concernant la dépénalisation des relations homosexuelles. L'archipel de 115 îles dans l'océan Indien occidental devait abroger les dispositions du code pénal pour respecter cette obligation.
La décision du gouvernement a généré diverses opinions. Ceux qui se sont prononcés contre la dépénalisation ont affirmé que cela provoquerait la décadence morale et détruirait des familles. D'un point de vue religieux, des personnes ont affirmé que la sodomie est un péché et qu’elle ne doit pas être décriminalisée.
D'autre part, certaines personnes ont ouvertement soutenu l'amendement sur la base des principes des droits de l'homme et d'autres pour des raisons personnelles.
Lors de la présentation du projet de loi à l'Assemblée afin qu’il soit débattu et voté, le ministre des Affaires étrangères des Seychelles, Joël Morgan a déclaré que les mêmes arguments en ce qui concerne les obligations constitutionnelles et internationales avancées par le président pour proposer l’amendement de l'article 151 du Code pénal sont également valables pour la préservation de l'institution familiale.
S’adressant à la partie de la population qui a qualifié la sodomie comme un péché, Morgan a déclaré que la dépénalisation de l'acte ne signifie pas qu’il n’est plus un péché.
« Le gouvernement ne définit pas ce qui est un péché, mais c’est la religion. Chaque individu doit suivre sa conscience sur la question. »
La question de la conscience a été soulignée dans une lettre qu’a adressée l'évêque catholique aux députés de l'Assemblée nationale avant le vote de mardi.
Il leur a demandé de « voter selon leur conscience éclairée, sans tenir compte de toute ingérence extérieure inappropriée », en ne prenant en compte que « l'impact que votre vote aura sur l'avenir de notre société. »
Dans sa lettre, Monseigneur Wiehe a mentionné certains enseignements de l'Eglise concernant l'homosexualité.
Il a précisé que les homosexuels ont droit à la dignité comme tout être humain, tout en indiquant que toute la tradition biblique et morale de l'Église enseigne que les actes homosexuels sont « moralement répréhensibles. »
Les Seychelles comptent une population d'environ 93.000 habitants et d’après le Bureau national des statistiques 76 pourcents de la population des Seychelles est catholique romaine, 6 pourcents anglicane, 2,4 pourcents hindoue, 1,6 pourcent musulmane, le reste sont d'autres confessions.
De son côté, l'évêque anglican James Wong a déclaré que son église respecte la décision des parlementaires à voter selon leur conscience, bien que beaucoup de membres de l'Eglise soient contre l’amendement proposé.
Il a expliqué à la SNA que les Eglises anglicanes et les autres Eglises avaient déjà exprimé leur mécontentement vis-à-vis de cette proposition lors d'une réunion consultative organisée par le chef du gouvernement à l'Assemblée nationale.
Néanmoins, maintenant que la loi a été dépénalisée il a déclaré qu'il faut davantage de dialogue.
« L'église ne rejette pas ceux qui pratiquent la sodomie ou les membres du LBGTI (Communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre et intersexuée), mais ce que je propose c’est la nécessité d'établir un dialogue, dans lequel nous disons que les portes de l'église sont ouvertes et que Dieu aime tous les hommes de la terre. Nous devons établir un dialogue entre les deux parties et en fin de compte, l'amour de Dieu doit l'emporter, » a déclaré Wong.
« L'Eglise est contre l'abrogation de la loi, mais la politique de l'Eglise est que, que la loi soit abrogée ou non, la vie continue. Nous ne devons discriminer personne, » a-t-il ajouté.
Fabianna Bonne, la fondatrice du premier et unique groupe de défense de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre et intersexuées aux Seychelles a déclaré à la SNA que le groupe apprécie le fait que personne n'ait voté contre la proposition, bien que la moitié des personnes présentes se soient abstenus.
« Le message le plus vigoureux qu’a envoyé cette abstention fut qu'ils ne feraient pas obstacle à cette modification de loi et c’est ce que nous apprécions au LGBTI des Seychelles, » a déclaré Bonne.
« Notre objectif maintenant sera davantage de sensibiliser l’ensemble de notre société surle LGBTI étant donné que nous avons remarqué que de nombreuses idées reçues et de stéréotypes négatifs circulaient à ce sujet. Notre objectif reste cependant l’égalité complète dans tous les aspects de la citoyenneté, car après tout, nous payons nos impôts comme tout le monde et nous participons activement au développement de notre pays, » a-t-elle ajouté.
L’amendement entrera en vigueur le jour où il sera publié en tant que Loi au Journal officiel par le bureau du procureur général. Pour ce faire le projet de loi doit être approuvé par le Président et renvoyé à l'Assemblée nationale.