La Cour constitutionnelle des Seychelles a rendu son verdict déclarant que des articles de la Loi sur l'ordre public sont inconstitutionnels
(Seychelles News Agency) - La Cour constitutionnelle des Seychelles a déclaré que certains articles et certaines dispositions de la loi sur l'ordre public (POA) 2013 sont «inconstitutionnels».
Telle est la décision unanime des quatre juges qui ont rendu leur verdict ce matin, sur l’affaire qui avait été présentée à la Cour au mois de mars l'année dernière.
Suite au processus de réforme électorale qui avait commencé en novembre 2011, la nouvelle loi sur l’ordre public avait abrogé la précédente loi sur l’ordre public de 1959.
Durant le processus, lesparties concernées avaient mentionné que le POA était un projet de loi qui devait être examiné et elles avaient présenté des recommandations subséquentes au gouvernement concernant son éventuelle mise en œuvre.
La consultation relative à cette question impliquaient des membres de la Commission électorale (CE), des représentants des partis politiques, la société civile ainsi qu'un représentant du Bureau du Procureur généralet le Secrétariat du Commonwealth.
Le forum électoral avait également sollicité la contribution du grand public par le biais de réunions consultatives régionales dans les districts des trois principales îles peuplées des Seychelles, à savoir ; Mahé, Praslin et La Digue, suite à quoi toutes les recommandations furent présentées au Président des Seychelles James Michel en juillet 2012.
Le 6 décembre 2013, l'Assemblée nationale des Seychelles avait approuvé et promulgué le projet de loi sur l'ordre public de 2013, qui est entré en vigueur après avoir été publié au Journal officiel le 6 janvier 2014 et approuvé par le Président.
Par la suite, deux partis d'opposition enregistrés, le "Seychelles National Party" (SNP) et le "Seselwa United Party" (SUP) avaient exprimé leurs objections affirmant que le nouveau POAavait « rejeté toutes les recommandations de la Commission électorale sans les consulter et sans consulter la Commission de réforme électorale. »
Une demande a également été faite par d'autres parties menant au dépôt devant la Cour constitutionnelle de deux nouvelles affaires contre le POA.
Le premier cas a été présenté par trois requérants le 14 mars 2014 : le "Seychelles National Party", le "Seychelles United Party" ainsi que le "Citizens Democracy Watch". Cette dernière est une organisation de la société civile. Ils contestaient la constitutionnalité des articles 3 (1), 3 (2), 6, 8, 11 (1), 12, 24 et 29 de la Loi.
Le deuxième cas a été déposé le 27 mars 2014 par Viral Dhanjee, un citoyen seychellois qui est devenu connu après avoir tenté d'entrer dans la course présidentielle de 2011. Il avait été disqualifié par la commission électorale pour ne pas répondre aux critères fixés.
Dhanjee a fait valoir que l'ensemble de la Loi était inconstitutionnelleen raison de l'ampleur considérable avec laquelle elle contrevenait à la Constitution des Seychelles.
La décision rendue ce matin par le Président du tribunal, le juge en chef suppléant Durai Karunakaran, et les juges de la Cour suprême,Renaud Bernardin, Gustave Dodin, et Crawford Mckee ont décidé qu’au total 18 articles et paragraphes de la loi sont inconstitutionnels, invoquant qu'ils violent un article particulier de la constitution du pays.
Ces articles "inconstitutionnels" ont été déclarés nuls, ou non juridiquement contraignant.
Selon le jugement : « deux cas de même nature se rejoignant sur des problématiques similaires ont été portés devant la Cour et avec l'accord des avocats de toutes les parties concernées, les affaires ont été entendus ensemble. La Cour a établi un seul jugement sur les questions soulevées dans les deux affaires, »
Le SNP, le SUP et les citoyens Democracy Watch étaient représentés par l'avocat Anthony Derjacques tandis que l'avocat de Dhanjee était Alexia Amesbury.
Un des avocats, Derjacques a exprimé sa satisfaction suite à la décision des juges.
« ... La Cour constitutionnellea été très progressiste et a appliqué les meilleures normes constitutionnelles internationales. Elle a empêché une loi qui entrave les droits des personnes aux Seychelles d'être mise en place ", a-t-il déclaré durant l’interview accordée à la SNA.
Derjacques a affirmé que c’était très important que la Cour ait jugée inconstitutionnelscertains de ces articles, notamment la section 3, qui permet au commissaire de police d’être assujetti aux instructions générales ou spéciales du ministre de l'Intérieur, ainsi que l’alinéa 5 de l'article 9, qui règlemente rigoureusement les rassemblements publics, les processions et les manifestations.
L'article 24, qui stipule que le président a le pouvoir d'imposer un couvre-feu signifie que personne ne serait autorisé à sortir en dehors des heures prescrites, et l'article 29 qui permet la saisie des séquences vidéos filmant les activités des forces de l’ordre et de ses agents ont tous deux été jugés comme étant des violations aux dispositions de la constitution.
S’exprimant sur l’issue de l'affaire, Amesbury a déclaré, que deux principaux droits avaient été violés par la plupart des articles du POA. Ces articles ont été contestés.
« Les deux droits qui ont été les plus violés sont ceux des articles 22 et 23, à savoir ; la liberté de réunion et le droit à la liberté d'expression... Si un pays ne dispose pas de ces deux droits, il ne peut pas prétendre être une démocratie, car ces deux droits sont fondamentaux et sont les pierres angulaires d'une démocratie, » a déclaré Amesbury dans une interview diffusée par la télévision nationale, la Seychelles Broadcasting Corporation (SBC) hier soir.
Cependant il y a un domaine où les juges n’ont pas décidé en faveur des requérants qui se rapporte à la commission d'appel. Cette dernière se compose de cinq membres nommés par le Président pour entendre les recours contre les décisions du commissaire de police. Les juges «ont rejeté les revendications des requérants » qui prétendaient que le conseil était ni impartial ni indépendant.
Derjacques a recommandé qu’à présent les suggestions initiales exprimées par la Commission électorale lors des consultations antérieures devraient être réexaminée, afin de mettre en place une nouvelle Loi moderne sur l'ordre public.
Selon le procureur général, qui représentait le gouvernement dans le cas, la décision leur a donné deux options.
« Soit nous allons à l'Assemblée nationale et nous demandons une révision et une modification de la loi pour refléter la décision de la Cour constitutionnelle ou nous lançons un appel devant la Cour d'appel... le jugement est assez long, 78 pages qui ont été rédigées par quatre juges, donc nous avons besoin de temps pour l'analyser, en particulier sur les classements juridiques. Mais pour le moment nos options restent ouvertes, » a déclaré Govinden à la SNA.
« La décision démontre qu’il y a une démocratie, une bonne gouvernance, une séparation des pouvoirs et que la Cour constitutionnelle joue son rôle dans la mesure où elle est là pour interpréter la Constitution et si elle a le sentiment qu'une loi est contraire à la Constitution, elle a parfaitement le droit de prononcer que tels et tels articles sont inconstitutionnels, » a-t-il ajouté.
La Loi sur l’ordre public 2013 se compose de 39 articles.
Lors de la visite en avril l’année dernière du Premier Secrétaire d'État adjointau Bureau des Affaires Africaines du Département d'Etat des USA, sur l'archipel de l'océan Indien, le gouvernement des Etats-Unis avait également critiqué la Loi.