Aux Seychelles, l’union d’un couple de même sexe a été célébrée à la résidence de l’Ambassade britannique
(Seychelles News Agency) - Les deux hommes ont été mariés par l’Ambassadeur britannique (BHC) sortant aux Seychelles, Lindsay Skoll. Le couple est composé d’un ressortissant britannique et d’un Seychellois qui est aussi détenteur d'un passeport britannique.
L'événement a eu lieu à la résidence de l’Ambassadeur à Bel Air, un district situé à la périphérie de Victoria la capitale des Seychelles, sur l'île principale de Mahé.
Le secrétaire Général au ministère des affaires étrangères des Seychelles, Maurice Loustau-Lalanne, a qualifié l'annonce de l’Ambassadeur britannique d'effectuer un mariage entre deux hommes dans l’archipel, comme un «manque de sensibilité», soulignant que les unions de même sexe ne sont actuellement pas reconnues par la loi.
Dans une invitation envoyée aux médias à l'événement qui s’est tenu la semaine dernière, l’Ambassade britannique (BHC) avait déclaré que les deux hommes «avaient légalement le droit d’être mariés par un fonctionnaire britannique compétent sur le territoire britannique» et a affirmé que l’Ambassadeur britannique avait sollicité la permission d'effectuer le mariage. Une permission qu’elle dit avoir été accordée.
Dans une réponse adressée par courriel à la SNA, un porte-parole de l’Ambassade britannique a déclaré qu'en vertu de la loi britannique, l’Angleterre est obligée de marier deux ressortissants britanniques de même sexe «uniquement sur demande du couple en question».
«Comme pour toutes les missions diplomatiques, toute correspondance officielle avec le gouvernement des Seychelles passe par le ministère des Affaires étrangères», précise la déclaration.
«Si le gouvernement des Seychelles avait refusé de donner son autorisation, un tel service n’aurait pas été donné. L’Ambassade britannique respecte les lois, la culture, les croyances et les valeurs de la République des Seychelles».
l’Ambassadeur britannique (BHC) sortant aux Seychelles, Lindsay Skoll. (Patrick Joubert, Seychelles News Agency) Photo License: CC-BY |
Cependant, lors d'une conférence de presse qui a eu lieu vendredi dernier, Loustau-Lalanne a précisé que la BHC avait sollicité l’avis du ministère des Affaires étrangères en septembre l'année dernière au sujet de trois scénarios hypothétiques de mariage de même sexe mais il a ajouté qu’aucune notification officielle n'avait été donnée au gouvernement des Seychelles pour cette cérémonie spécifique.
En réponse à la «note verbale» [communication diplomatique], Loustau-Lalanne a déclaré que le ministère avait informé la BHC que les Seychelles étaient signataire de la Convention de Vienne et qu’à ce titre, elles sont tenues de reconnaître la souveraineté territoriale de chaque pays ayant une mission diplomatique aux Seychelles.
«Et donc, en vertu de cette obligation, nous leur avons dit qu'ils pouvaient exécuter les dispositions de la loi sur le mariage de même sexe», a déclaré Loustau-Lalanne.
«Plus précisément, nous les avons informé que dans le cas où un ressortissant britannique devrait épouser un Seychellois sur le territoire britannique aux Seychelles, ils devraient informer le Seychellois que les dispositions du mariage en vertu de cette loi ne seraient pas applicables aux Seychelles, car cela va à l’encontre de nos lois aux Seychelles, » a-t-il dit.
«Nous avons donc communiqué ceci à l‘Ambassade en septembre de l'année dernière, et ensuite nous n’avons pas eu de nouvelle à ce sujet. Après j’ai reçu une invitation par e-mail... Je n’ai pas donné d'approbation pour le mariage de ces deux personnes. »
Le secrétaire Général au ministère des affaires étrangères des Seychelles, Maurice Loustau-Lalanne (Seychelles News Agency) Photo License: CC-BY |
Que dit la loi
La loi 2013 sur le mariage des couples de même sexe en Grande-Bretagne est rentrée en vigueur en mars 2014.
Cependant, aux Seychelles, conformément à la constitution de la nation insulaire de l’Océan Indien, le mariage de même sexe est illégal.
Dans une interview avec la SNA vendredi dernier, le procureur général des Seychelles, Ronny Govinden a déclaré que bien que les Seychelles soient un pays libre et démocratique, tolérant et acceptant diverses valeurs, cette tolérance a toujours ses limites, ajoutant que la constitution du pays fait référence aux actes non autorisés et cela inclut le mariage de même sexe.
L'article 31 (1) de la présente Constitution des Seychelles, qui a été adopté en 1993 stipule que l'Etat reconnaît «le droit de toute personne de former une famille et engage à promouvoir la protection juridique, économique et sociale de la famille » mais ce droit est soumis à certaines restrictions.
L’article 32 (2) stipule : «le droit inclut dans cette clause (1) peut être soumis à certaines restrictions qui peuvent être prescrites par la loi et qui est nécessaire dans une société démocratique, notamment le mariage entre deux personnes de même sexe ou pour des personnes partageant un certain degré de parenté au sein d’une même famille».
Néanmoins, la Convention de Vienne, dont les Seychelles font partie, a établi des normes internationales pour les représentants diplomatiques locaux concernant leurs droits et devoirs dans les pays respectifs où ils sont en poste.
«... La convention a ses propres lois qui suivent celles portant sur les privilèges diplomatiques et qui rend conforme la convention au regard de nos lois.En d’autres termes, quand il y a des locaux diplomatiques, des résidences ou des bureaux qui sont reconnus par un gouvernement alors ces lieux sont considérés comme faisant partie du territoire souverain de l'Etat concerné», a déclaré Govinden.
«...dans ces lieux vous pouvez exercer vos lois civiles comme vous les exerceriez dans le territoire de votre pays... comme l’ont fait les Britanniques dans leur Ambassade... Ils peuvent faire appliquer tout acte juridique ou contrat qui pourrait être effectué en Angleterre par un officier accrédité ou à qui on a donné pouvoir en vertu des lois britanniques».
Alors que certains Seychellois sont indifférents à l'événement, d'autres ont réagi positivement dans les journaux et dans les médias sociaux, indiquant que la communauté LGBT pourrait à présent devenir plus active dans la promotion de leurs droits dans le pays.
Il y a également une partie importante de la population qui est largement conservatrice avec de fortes croyances religieuses et qui sont contre le fait qu’une telle union ait lieu aux Seychelles ; même si la célébration se passe sur le «territoire» britannique.
La plupart des commentaires négatifs ont été exprimés contre l’Ambassadeur britannique et contre des valeurs culturelles étrangères qui ont été perçues comme étant imposées au pays. Certains ont même décrit la démarche comme un acte d'impérialisme culturel ou simplement comme un coup de publicité.
le président du SIFCO l'évêque Denis Wiehe (Seychelles News Agency) Photo License: CC-BY |
Les chefs religieux «consternés»
Selon le bureau national des statistiques, sur l'ensemble de la population d’environ 90 000 personnes de la nation insulaire, 76,2 pour cent sont catholiques romains, 6,1 pour cent sont anglicans, 2,4 pour cent hindoues, 1,6 pour cent musulmans, et 13,7 pour cent font partie d’autres confessions religieuses.
Les membres du Conseil interreligieux des Seychelles (SIFCO), qui rassemble les dirigeants des différents groupes religieux de l’archipel ont dit qu'ils étaient «attristés» par la décision du gouvernement britannique.
«Bien que ceci se soit passé sur le « territoire» britannique, est-ce que le peuple des Seychelles ainsi que le gouvernement ont eu leur mot à dire sur cet événement qui a eu lieu sur leurs terres vu que les personnes concernées vivent aux Seychelles ? » a déclaré le président du SIFCO Denis Wiehe, qui est également l'évêque du diocèse catholique des Seychelles dans un communiqué de presse publié jeudi après-midi.
«Pour nous, le mariage est une réponse à l'amour de Dieu pour procréer des enfants. »
La déclaration ajoute que le «mariage de deux hommes» crée «une totale confusion dans les esprits de nos concitoyens.»
« En tant que chefs des confessions religieuses, nous pressentons que cet événement va créer deux groupes de personnes dans la population seychelloise, ceux qui respectent la loi de notre pays et ceux qui ne la respectent pas. »
Un mariage non reconnu par la loi des Seychelles
Même si le couple est marié sous la loi britannique leur union ne sera pas reconnue par la loi des Seychelles.
«Nous ne les considérons pas comme mariés et leur mariage n'a pas de validité juridique, par exemple s’ils décident d'adopter, ils ne seront pas en mesure d'adopter d'enfant comme un couple marié. En ce qui concerne les lois successorales, si l'un d’entre eux meurt, la personne en vie ne sera pas considérée comme le conjoint survivant, s’il y a une pension l'autre personne n’aura aucun droit aux prestations» a affirmé Govinden à la SNA.
« Cela signifie que le mariage est nul et non avenu et qu’il n’a aucune validité juridique aux Seychelles. Il sera reconnu juridiquement au Royaume-Uni ».
Bien que l'homosexualité soit techniquement une infraction pénale aux Seychelles, personne n'a jamais été poursuivi depuis l’adoption de la constitution en 1993.
La nation insulaire avait donné son engagement au Comité des droits de l'homme des Nations Unies de 2011 d’envisager une modification du code pénal qui qualifie de crime deux personnes de même sexe, en particulier deux hommes, ayant des relations sexuelles.
«Bien entendu, nous examinons la question en interne. Mais nous avons besoin de consulter tous les organismes de toutes les institutions et toutes les personnes concernées pour obtenir un consensus... il ne s’agit pas d’une décision facile, c’est une décision qui devra être prise après que nous ayons bien réfléchi afin que tout le monde aux Seychelles sente que c’est le bon moment de prendre une telle décision ... » a déclaré Govinden.
«Nous allons continuer à travailler ensemble »
Selon Loustau-Lalanne, l’Ambassadeur Skoll était bien conscient de la sensibilité des droits des LGBT dans un pays conservateur, tels que les Seychelles, il faut comprendre qu’en tant que représentante diplomatique, elle n'a pas agi uniquement sur ses propres motivations.
«Mme Skoll reçoit également des instructions du ministère des Affaires Etrangères et du Commonwealth, FCO, car ce sont eux qui décident de leur politique étrangère, et quand ils avaient changé leur loi sur le mariage de même sexe en 2014, ils avaient ajouté dans leur politique étrangère de faire pression sur les pays qui n’étaient pas conformes... » a-t-il affirmé.
Interrogé si, selon lui, il pensait que les relations diplomatiques seraient négativement affectées par la situation, Loustau-Lalanne n’était pas tout à fait convaincu.
|
Le procureur général des Seychelles, Ronny Govinden (Joena Bonnelame, Seychelles News Agency) Photo License: CC-BY |
« Il est regrettable que cette situation se soit déroulée de cette manière et nous allons certainement à travers nos voies diplomatiques exprimer notre mécontentement au sujet de cet événement. C’est normal, ça arrive tout le temps et nous espérons que nous allons continuer à travailler ensemble dans de nombreux autres domaines, mais nous résisterons à la pression que nous avons, en particulier avec eux, et nous devons trouver une solution finale avec eux sur cette question... »
Le secrétaire d’Etat Principal aux Affaires Etrangères a déclaré qu'il pensait que la meilleure façon de résoudre ce problème serait de soumettre la question des droits des LGBT au peuple des Seychelles afin qu’ils puissent eux-mêmes décider.
« C’est notre pays, nous avons notre propre culture, et nous avons nos propres manières de faire les choses. Ce sujet est déjà en cours de discussion dans de nombreux et différents forums, le gouvernement en a parlé, il y a certaines affaires qui sont passées devant le tribunal, maintenant suite à cet évènement, toutes ces questions ont été précipitées, si vous voulez. Mais nous devons prendre une décision pour déterminer dans quelle direction nous souhaitons aller ».
Dans sa déclaration, l’Ambassade britannique a déclaré qu’une discussion portant sur des «sujets concernant l'égalité des droits » serait la bienvenue, et a ajouté qu’elle souhaitait «réitérer une fois de plus que c’est aux citoyens de chaque pays de décider de leur propre cadre législatif ».