(Seychelles News Agency) - Le père Gustave Lafortune, qui est un des prêtres les plus âgés des Seychelles a pris sa retraite le 26 avril.

L’évêque de Port Victoria Denis Wiehe était venu faire une messe spéciale en l’honneur du travail qu’il a effectué à l’église de St André à Cascade, un district situé sur la côte est de Mahé, l’île principale des Seychelles.

Le père Lafortune a passé près de 52 ans dans différentes paroisses des Seychelles, archipel de l’Océan Indien, et a témoigné de l’évolution de l’église et de la société catholique seychelloise au cours d’un demi-siècle.   

La SNA a rencontré le père Lafortune en train d’emménager  « au Domus » le bâtiment ou logent les prêtes. C’est là que le père Lafortune sera désormais basé.

Père Lafortune comment voyez-vous votre départ à la retraite après toutes ces années ?

Bien sûr après 52 ans ou nous avons travaillé en faisant différentes choses, bien sûr que prendre sa retraite est quelque chose de nécessaire, de prendre un peu de repos. J’ai quitté la paroisse de Cascade ou j’ai été tourmenté par plein de mendiants, j’espère qu’ici je vais pouvoir me reposer sans avoir à faire face à ces tourments. J’ai plusieurs projets que je tiens à réaliser  et avec la grâce de dieu, voir comment les réaliser.

Quels sont les projets que vous souhaitez réaliser ?

Le projet numéro un c’est d’écrire un livre de catéchisme, c’est un vieux catéchisme, sur lequel je travaille dessus depuis 48 ans (sourire) j’ai écrit un morceau, puis un autre et je me suis arrêté, j’espère que j’aurai plus de temps pour me concentrer, pour que cela devienne une réalité. Bien sûr cela passera par mes supérieurs et après je le ferai imprimer… j’ai aussi un projet d’écrire un ou deux livrets pour sensibiliser les gens sur la manière dont nous vivons, pourquoi nous sommes sur terre et où nous voulons nous aller. Le monde a aujourd’hui perdu beaucoup la foi. La grande majorité de la population a mis Dieu de côté et  je veux écrire en ce sens. Et la troisième chose c’est de mettre sur un CD les cassettes de musique que j’ai produites et ensuite les vendre.

Le Domus ce sera-t-il votre dernier lieu ?

Oui le Domus sera mon dernier lieu, je croyais que le denier endroit serait Cascade mais on m’a obligé, mon évêque m’a dit qu’il avait pris sa décision pour que je vienne ici dans l’intérêt de la paroisse et dans mon intérêt personnel et même le père Mathiot a écrit dans l’Echo des îles pour ne pas laisser la paroisse mourir l’évêque m’a demandé de partir à la retraite … (sourire)

L’évêque de Port Victoria, Denis Wiehe est venu faire une messe spéciale en l’honneur du travail que le père Lafortune a effectué à l’église St André à Cascade( Joe Laurence, Seychelles News Agency) Photo License: CC-BY

Comment avez-vous vu la transformation de l’église durant ces 50 dernières années où vous avez commencé en soutane et ce n’est plus le cas ?

Les changements n’ont pas été assez vite, cela a pris du temps les générations changent. Les coutumes et les moeurs changent... Oui au début on était en soutane avec le col romain… j’en ai encore deux… je ne sais pas quoi en faire je crois que je vais les donner au Caritas…. C’est vrai  beaucoup de choses ont changé, par exemple il y avait la pratique sérieuse contre les enfants illégitimes dans le baptême….ou il y avait des attitudes sévères au moment du décès des personnes qui ne se rendaient pas à l’église, l’enterrement se faisait dehors, des choses comme cela et au fur et à mesure l’église a changé ses pratiques, c’est un progrès. Pour ce qui est de l’habit du prêtre ça a changé et nous devons vivre avec notre époque. C’est comme devant moi je vois plein de jolies maisons, avant elles étaient en tôles… La vie change. Nous pensons que certaines choses vont dans l’intérêt du peuple, des pauvres, des pêcheurs, alors il faut être moins sévère…

Au cours des 52 ans, vous avez baptisés, célébrés de nombreux mariages comment voyez-vous le travail que vous avez fait pour agrandir la foi aux Seychelles ?

J’ai fait beaucoup, j’ai fait avancer le plus possible la foi, l’amour de Dieu, l’amour pour nos prochains, mais nous devons réaliser que notre monde devient de plus en plus matérialiste, avec internet et la télévision,  les gens ont changé de mentalité. On a beau se casser la tête, même tout récemment à Cascade de temps en temps je rencontrais des gens que j’essaie d’encourager, mais cela entre dans une oreille et ressort par l'autre. On vous promet de venir mais après c’est zéro… c’est comme le mariage, quand j’étais à Anse Boileau (district sur la côte ouest de Mahé) j’ai célébré 162 mariages… et parmi eux une dizaine de couple se sont séparés et certains ont changé de religion. On se casse la tête avec les parents pour leur faire comprendre qu’ils ont des responsabilités vis-à-vis de leurs enfants. Mais personne n’entend… Jésus a essayé tout ce qu’il a pu pour expliquer son rôle mais finalement la masse a décidé de le tuer.

Vous avez été prêtre dans plusieurs paroisses, quel a été l’endroit que vous avez préféré ?

 Au début les gens étaient plus attachés à l’église, je me souviens à Anse Boileau quand je faisais la retraite pendant le carême, il y avait 150 personnes hommes et femmes qui venaient. Je n’oublierai pas le père Justin qui était à la retraite à Anse Boileau, quand je lui ai demandé de m’aider à confesser les gens, il se demandait combien de personnes il y aurait ? Et finalement à 7 heures il y avait encore des gens à confesser…  mais maintenant il n’y a plus personnes alors j’ai décidé d’arrêter.

Père Lafortune dans la biographie du président James Michel (président des Seychelles), il vous décrit comme un de ses rares amis comment cela se fait-il ?

Je le connais depuis très longtemps, je ne fais pas de politique, j’ai une bonne amitié avec lui, et j’ai aussi une bonne amitié avec l’ancien président Albert René. Quand j’ai eu besoin d’ aide pour la Salette France Albert René m’a aidé, quand j’ai eu besoin d’une aide pour l’église d’Anse Boileau James Michel m’a aussi aidé, j’ai toujours été attaché avec eux, une amitié simple sans rentrer dans la politique. Parfois quand je voyais quelque chose qui ne me plaisait pas, je le disais et cela pouvait me coûter cher. Mais je donnais mon opinion.

L’ancien président René était de votre époque quand vous étiez séminariste ?

Je crois bien, j’ai un peu oublié, il est aussi parti en Suisse pour faire ses études mais il n’est pas resté longtemps peut être un semestre.

J’ai fait beaucoup, j’ai fait avancer le plus possible la foi, l’amour de Dieu, l’amour pour nos prochains, mais nous devons réaliser que notre monde devient de plus en plus matérialiste, avec internet et la télévision, a dit le père Lafortune ( Joe Laurence, Seychelles News Agency) Photo License: CC-BY

Mon père comment avez-vous vécu cette période où vous étiez un peu comme une star avec vos chansons qui étaient régulièrement diffusées à la radio ?

J’ai eu des inspirations, depuis que j’étais jeune à l’école, je composais des poèmes, j’aimais lire et malheureusement bon nombre de mes vieux poèmes ont disparu car un de mes confrères  qui n’était pas gentil a brûlé bon nombre de mes affaires… au fur et à mesure que j’ai grandi j’ai continué d’écrire des  poèmes et après j’ai appris à jouer de la guitare, et c’est la que j’ai eu un intérêt pour la musique. Mes chansons ont toujours été une inspiration, qui était un cadeau de Dieu. Je ne dirai pas que je suis un compositeur, je me vois comme un prophète, comme dit Jésus «  je mettrai les paroles dans ta bouche ».

Quand je me lève le matin, le bon Dieu m’inspire une chanson, son air et ensuite je commence à composer, et je continue comme cela pendant une heure  jusqu’à ce que là chanson me plaise… à l’exception des chansons que j’ai composé comme cela, je peux dire que je n’en ai composé que deux ou trois avec une guitare.

Quelles sont les chansons les plus populaires ?

  «  Un soleil pé leve », il y a aussi Jean Paul II, un chemin pour demain, et il y a deux ou trois autres que les gens aiment chanter.

Vous sentez que vous avez encore de la force ?

Oui je fais toutes mes affaires mois même, le seul problème c’est que l’année dernière j’ai fait une opération dans un oeil, et je ne  vois pas bien d’un de mes yeux, alors je ne peux plus conduire et quelqu’un doit venir avec moi. Je vais essayer de voir comment aller à Maurice pour faire une opération au laser et résoudre le problème.

Si quelqu’un veut venir vous voir pour faire une célébration c’est possible ?

Oui, je ne viens pas ici m’asseoir, je vais travailler, cela dépend du curé, s’il me demande de faire un enterrement, la messe des choses comme cela. Je ne pourrais pas voir les gens comme je le faisais dans les districts, maintenant je vais prendre un peu de temps. 

Les habitants de Cascade disant aurevoir au père Lafortune ( Joe Laurence, Seychelles News Agency) Photo License: CC-BY