Violences urbaines à Mayotte en marge de la grève générale
Les manifestants mahorais manifestent depuis deux semaines (ORNELLA LAMBERTI / AFP)
(AFP) - Des violences urbaines ont éclaté dans la nuit de lundi à mardi à Mamoudzou, chef-lieu du département de Mayotte, en marge de la grève générale lancée depuis plus de deux semaines par une intersyndicale, ont constaté des journalistes de l'AFP sur place.
Des témoignages recueillis sur place ont fait état de groupes de jeunes cagoulés qui ont caillassé des habitations et saccagé de nombreuses voitures.
"On est sorti pour constater les dégâts, notamment des gros cailloux lancés sur les véhicules, et certains d'entre nous n'avaient que leurs yeux pour pleurer, c'est l'impuissance de notre part et aussi de la part des forces de l'ordre, on ne sait pas comment sortir de cette situation", a déploré à l'AFP Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire départemental SNUipp-FSU.
La ministre des Outre-mer George Pau-Langevin a précisé mardi, dans une déclaration à l'AFP, qu'"un dispositif renforcé sera mis en place" dans la soirée. Elle souligne que Mayotte n'est "pas livrée à elle-même", que "la très grande majorité des Mahorais ne participe pas au conflit" et "qu'une petite minorité tente de déstabiliser l'ordre public".
"Les troubles constatés depuis la fin mars sont le fait d'une minorité agissante, comme on peut en retrouver dans d'autres zones urbaines. Nous ne sommes pas dans le contexte d'une participation massive ou coordonnée de la population mahoraise", a-t-elle insisté, assurant ne pas confondre "la manifestation sur fond de revendication sociale avec les affrontements urbains qui se déroulent en même temps."
La préfecture de Mayotte, contactée par l'AFP, a précisé qu'il s'agissait d'affrontements entre "bandes rivales", qui ont provoqué des dégâts matériels - 85 véhicules saccagés - et fait au moins un blessé.
- Graves perturbations sur l'île -
Un rassemblement d'habitants s'est tenu mardi sur la place centrale de Mamoudzou pour dénoncer les violences ayant eu lieu la veille dans leur quartier, a constaté une photographe de l'AFP. A Doujani, une cinquantaine d'individus ont "exposé" dans la matinée leurs voitures caillassées aux vitres brisées, bloquant un carrefour.
Un conflit social oppose depuis deux semaines les autorités mahoraises et plusieurs syndicats revendiquant "l'égalité réelle" entre la métropole et le département d'outre-mer, réclamant notamment l'alignement des prestations sociales et l'application du Code du travail national, ainsi que des moyens de lutte contre l'insécurité et la construction d'écoles.
Une intersyndicale a décrété la grève générale, provoquant de graves perturbations sur l'île, notamment avec le blocage des principales routes. Les activités économiques fonctionnent partiellement ou au ralenti au grand dam de nombreux entrepreneurs qui n'ont pas hésité mardi à s'en prendre verbalement à des leaders syndicaux, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Est ce que vous êtes contents de la paralysie du département que vous provoquez et du manque à gagner que nous, entrepreneurs, nous subissons ? Comment allons-nous pouvoir payer nos salariés à la fin du mois?" a demandé un employeur du secteur privé au bord de la crise de nerfs, au responsable syndical SNUIPP-FSU Rivo Rakotondravelo.
Selon le syndicaliste, les violences urbaines secouant l'île sont liées au manque d'encadrement des jeunes à Mayotte. "Un élève en école élémentaire en métropole représente 7.400 euros (d'investissement par l'Etat, ndlr). A Mayotte, on est à 4.300 euros. Voilà l'injustice", a-t-il affirmé.
"Il n'y a pas d'émeute à l'heure où je vous parle, je dirais plutôt un conflit social avec des revendications salariales statutaires concernant aussi bien les salariés du privé que du public", a déclaré à l'AFP Florence Ghilbert-Bezard, directrice de cabinet du préfet à Mayotte.
Le candidat à la primaire des Républicains Alain Juppé a exprimé dans un communiqué "sa grande préoccupation devant la dégradation de la situation à
Mayotte", appelant le gouvernement à "mettre en place les actions nécessaires à un retour au calme".