Bangladesh: le mouvement étudiant réclame Muhammad Yunus comme chef du gouvernement intérimaire
(Photo by Munir UZ ZAMAN / AFP)
Ajoute nouveau bilan, situation à Dacca, révendications, cheffe de l'opposition libérée, détails
Le chef de file du principal mouvement étudiant à l'origine des manifestations au Bangladesh a souhaité mardi voir le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus diriger le gouvernement intérimaire, au lendemain de la prise de contrôle du pays par l'armée et la fuite à l'étranger de la Première ministre.
Les manifestations contre les quotas d'embauche dans l'administration, qui ont fait au moins 413 morts depuis début juillet, ont finalement abouti au départ de Sheikh Hasina, 76 ans, qui a quitté le pays à bord d'un hélicoptère.
Le chef de l'armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman, qui doit rencontrer mardi les dirigeants du mouvement étudiant, avait annoncé lundi la formation prochaine d'un gouvernement intérimaire, promettant de réparer "toutes les injustices" et la levée du couvre-feu dès mardi.
Les étudiants appellent également à la dissolution du parlement, tout comme le principal parti d'opposition, le Bangladesh Nationalist Party (BNP), qui exigent des élections d'ici trois mois.
"Nous faisons confiance au Dr Yunus", a écrit sur Facebook Asif Mahmud, un des principaux dirigeants du collectif Students Against Discrimination (Etudiants contre la discrimination).
M. Yunus n'a pas commenté. Mais dans un entretien accordé au journal indien The Print, il a affirmé que le Bangladesh avait été "un pays occupé" sous le régime de Mme Hasina.
"Aujourd'hui, tous les habitants du Bangladesh se sentent libérés", s'est-il félicité.
Agé de 84 ans, M. Yunus est connu pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance pionnière en la matière mais il s'était attiré l'inimitié persistante de Mme Hasina, qui l'avait accusé de "sucer le sang" des pauvres.
Actuellement en Europe, un de ses proches collaborateurs a déclaré lundi que M. Yunus n'avait reçu aucune proposition de l'armée pour diriger le gouvernement intérimaire.
- "Tellement heureux" -
Le président et le chef de l'armée ont également rencontré le président Mohammed Shahabuddin lundi en fin de journée, ainsi que les principaux dirigeants de l'opposition. Le service de presse du président a déclaré qu'il avait été "décidé de former immédiatement un gouvernement intérimaire".
La situation était calme mardi à Dacca.
Si la circulation a repris et les magasins ont rouvert, les bureaux de l'administration restaient fermés, au lendemain de violences qui ont fait au moins 113 morts.
Après l'allocution de M. Waker, des millions de Bangladais avaient envahi les rues de Dacca lundi. "Je suis tellement heureux que notre pays ait été libéré", lançait Sazid Ahnaf, 21 ans, comparant les événements à la guerre d'indépendance du Bangladesh qui a conduit à sa séparation du Pakistan en 1971.
Revenue au pouvoir en 2009, Mme Hasina avait remporté en janvier un cinquième mandat à l'issue d'une élection sans véritable opposition.
Les manifestants avaient envahi lundi le parlement, incendié des chaînes de télévision pro-gouvernementales et brisé des statues du père de la Première ministre Sheikh Mujibur Rahman, héros de l'indépendance du pays.
Les bureaux de la Ligue Awami, le parti de Mme Hasina, ont été incendiés et pillés à travers le pays, ont indiqué des témoins à l'AFP. Des commerces et des maisons appartenant à des hindous - un groupe considéré par certains dans ce pays à majorité musulmane comme étant proche de Mme Hasina - ont également été attaqués, selon des témoins.
- "Besoin de réponses" -
Les manifestations avaient commencé début juillet après la réintroduction d'un régime réservant près d'un tiers des emplois dans l'administration aux descendants d'anciens combattants de la guerre d'indépendance. Le mouvement s'est intensifié au fil des jours, conduisant à des appels à la démission de Mme Hasina.
Son gouvernement avait été accusé par les groupes de défense des droits humains de mettre à son service les institutions pour asseoir son emprise et éradiquer toute dissidence.
Le président, Mohammed Shahabuddin, a ordonné lundi en fin de journée la libération des personnes arrêtées lors des manifestations.
L'ex-Première ministre et cheffe de l'opposition Khaleda Zia, 78 ans, a par ailleurs été libérée mardi, selon le porte-parole de sa formation, le Parti nationaliste du Bangladesh. Grande rivale de Mme Hasina, la cheffe du BNP avait été condamnée à 17 ans de prison pour corruption en 2018.
Dès mardi à Dacca, les mères de certains des centaines de prisonniers politiques secrètement emprisonnés sous le régime de Mme Hasina attendaient devant les services du renseignement militaire, espérant des nouvelles.
"Nous avons besoin de réponses", a déclaré Sanjida Islam Tulee, coordinatrice de "Mayer Daak", c'est-à-dire "l'appel des mères", qui milite pour la libération des personnes détenues par les forces de sécurité de Mme Hasina.
Mme Hasina a atterri dans une base militaire près de New Delhi, selon la presse indienne, mais une source de haut niveau a affirmé qu'elle ne faisait que "transiter" par le pays avant de se rendre à Londres.
Mais l'appel du gouvernement britannique à une enquête de l'ONU sur des "niveaux de violence sans précédents" a mis en doute cette destination.
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