Présidentielle à Madagascar: l'un des favoris dénonce de "nombreuses irrégularités"
Andry Rajoelina a obtenu 44,35% des suffrages, Marc Ravalomanana 41,7% et Hery Rajaonarimampianina 3,32%, selon les chiffres officiels portant sur 358 des 24.852 bureaux de vote. (MARCO LONGARI / AFP)
(AFP) - L'ancien chef de l'Etat malgache Hery Rajaonarimampianina, donné perdant de la présidentielle selon des résultats officiels encore très partiels, a dénoncé jeudi de "nombreuses irrégularités" dans le scrutin, laissant craindre une période post-électorale tendue dans ce pays à l'histoire politique mouvementée.
"De nombreuses irrégularités de vote et anomalies techniques ont été détectées", a déclaré Hery Rajaonarimampianina dans un communiqué, citant notamment un "fichier électoral non valide", "la présence de bulletins déjà pré-cochés" ou encore des "intimidations".
"Nous ne laisserons pas la population se voir dérober son vote", a encore prévenu M. Rajaonarimampianina, au pouvoir de 2014 à septembre 2018, date à laquelle il a démissionné, conformément à la constitution, pour pouvoir se représenter.
Selon des résultats très partiels publiés jeudi par la commission électorale nationale indépendante (Ceni), Hery Rajaonarimampianina arrive troisième, très loin de ces prédécesseurs Andry Rajoelina (2009-2014) et Marc Ravalomanana (2002-2009).
Andry Rajoelina a obtenu 44,35% des suffrages, Marc Ravalomanana 41,7% et Hery Rajaonarimampianina 3,32%, selon les chiffres officiels portant sur 358 des 24.852 bureaux de vote.
Si aucun candidat n'obtient 50% des suffrages, un second tour sera organisé le 19 décembre entre les deux candidats arrivés en tête.
L'élection de 2018 est considérée comme un test pour la consolidation de la démocratie à Madagascar, mise à mal par de nombreuses crises depuis son indépendance en 1960.
La campagne s'est déroulée dans le calme, et "globalement le vote s'est bien passé", selon des observateurs internationaux.
Les trois ex-présidents, qui ont déployé des moyens colossaux pendant leur campagne électorale dans un pays extrêmement pauvre, faisaient figure de favoris parmi les 36 candidats en lice.
Le camp d'Andry Rajoelina a dit "attendre sereinement et avec confiance le résultat des urnes" alors que le décompte se poursuit. "Nous appelons à ne pas attiser les tensions", a déclaré à l'AFP son porte-parole, Razafimahefa Herimanana.
De son côté, Marc Ravalamonana a appelé ses partisans à un rassemblement samedi dans Antananarivo pour les "remercier de leur soutien".
A cette occasion, son parti TIM recueillera le nom des électeurs omis sur les listes électorales. "Nous l'utiliserons comme un outil politique" le moment venu, a prévenu Tseheno Arisoa Rabenja, le directeur de campagne de Marc Ravalomanana.
- Revanche -
Compte tenu du faible échantillon de voix déjà dépouillées, la prudence est de mise, mais les "premiers résultats confirment un sondage" interdit de publication en septembre, a relevé l’analyste politique Andry Raodina, interrogé par l'AFP.
"On est sur un échantillon très petit mais la tendance est là et claire", a ajouté Marcus Schneider de la fondation indépendante Friedrich Erbert. "Il y a une bipolarisation du vote entre Ravalomanana et Rajoelina".
Marc Ravalomanana, 68 ans, et Andry Rajoelina, 44 ans, ont déjà occupé la magistrature suprême.
Le premier a dirigé la Grande Ile de l'océan Indien de 2002 à 2009, date à laquelle Andry Rajoelina lui a succédé à la suite d'un coup d'Etat, ainsi que l'a qualifié la communauté internationale. Il est resté au pouvoir jusqu'en 2014.
L'élection de 2018 a un parfum de revanche pour les deux hommes, interdits de se présenter à la présidentielle de fin 2013, une décision imposée par les bailleurs de fonds pour éviter de nouveaux dérapages.
Jeudi, la Ceni a appelé Hery Rajaonarimampianina à "apporter la preuve" de ses accusations, assurant que les bulletins de vote avaient été "emballés en Afrique du Sud" pour éviter des fraudes.
L'Organisation internationale de la francophonie (OIF), chargée de contrôler le fichier électoral, a de son côté rejeté les accusations d'Hery Rajaonarimampianina.
"Le fichier a été nettoyé pour permettre une élection dans de bonnes conditions", a déclaré à l'AFP Philippe Courard, chef de mission d'information de l'OIF pour Madagascar, qui a mis "sur le compte de la déception" les déclarations du candidat Rajaonarimampianina.
La Ceni a par ailleurs "exhorté" les candidats à ne pas publier de résultats.
Jeudi pourtant, les chaînes de télévision de Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina donnaient vainqueur leur candidat dès le premier tour, en se basant sur des résultats partiels obtenus par leurs équipes dans les bureaux de vote.
"Un candidat se risquera-t-il à revendiquer sa victoire au premier tour ?" si les résultats de la Ceni ne vont pas dans ce sens, s'est interrogé Andry Raodina.
Une telle hypothèse ferait naître le "danger d'un scénario comparable à celui de 2001-2002" qui avait débouché sur une crise politico-militaire de sept mois, a ajouté Marcus Schneider.
A l'époque, Marc Ravalomanana avait revendiqué la victoire dès le premier tour de la présidentielle, contrairement aux résultats officiels. Des manifestations avaient suivi, entrainant une centaine de morts.
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